Plusieurs lecteurs m’ont récemment demandé, comment font les paresseux pour survivre ?!
Alors voilà quelques modestes éléments de réponse :
Ces mammifères sont parmi les plus connus de la planète simplement grâce à leur extrême lenteur.
Ce qui leur a même valu leur nom vernaculaire dans plusieurs langues.
Mais les connaissons-nous vraiment ?
Comment ont-ils pu arriver à survivre jusqu’à aujourd’hui malgré cette grande lenteur ? Par quel miracle ont-ils échappé aux superprédateurs emblématiques comme la Harpie Féroce et le Jaguar ?
Secret n°1 : La lenteur, une arme et non un handicap
-D’où vient cette lenteur ?
Le régime alimentaire du Paresseux est composé en majorité de feuilles, qui leur fournit très peu d’énergie et nécessite une digestion très lente, donc un métabolisme ralenti et une stratégie d’économie constante d’énergie.
Une seule feuille peut demander 30 jours de digestion…
Résultat, le paresseux passe des heures à dormir, mais finalement beaucoup moins que ce qu’on ne pense(~ 10h/jour) ! Il en passera bien davantage à rester immobile ou à se déplacer très peu et lentement en calculant minutieusement chaque déplacement.
-Un handicap à première vue, qui devient une arme redoutable :
Le premier naturaliste (Buffon en 1749) à avoir décrit cet animal, associait à sa lenteur une stupidité, allant même jusqu’à écrire :
« These sloths are the lowest form of existence. »
Après plusieurs dizaines de millions d’années d’existence et étant toujours présent, il s’avère que cet attribut est finalement davantage une réussite de l’évolution.
En effet, ces champions de l’économie d’énergie et de calories (162kcal/jour), en restant immobiles, et dormant souvent en boule, ressemblent fortement à une termitière collée au tronc et arrivent ainsi à tromper l’œil aiguisé des grands rapaces.
Tout est lent chez le paresseux, les déplacements, les repas, la digestion, et ce n’est donc pas de la fainéantise mais un choix, une stratégie pour la survie de l’espèce.
Pour peu que le vent s’invite dans la forêt, balançant les branches et les feuilles les unes vers les autres, la mise en mouvement du Paresseux passe complètement inaperçue !
« Pas vu pas pris ! »
Secret n°2 : Un camouflage hors pair issu de relations symbiotiques !
Le paresseux échappe donc aux prédateurs en misant exclusivement sur sa discrétion en bougeant très peu et très lentement.
Mais pour être encore plus efficace, l’évolution lui a fourni un camouflage d’une origine étonnante !
Dans son pelage, le paresseux accueille de nombreuses espèces.
Des centaines de papillons et de coléoptères, mais aussi des bactéries, des micromycètes, arbovirus, protozoaires, nématodes, arthropodes, diptères et hémiptères.
Une vraie auberge espagnole !
On retiendra surtout ici que des algues et champignons se développent sur le paresseux, lui permettant de voir son pelage devenir verdâtre, et donc de se dissimuler encore plus dans la végétation !
En échange, ces algues lui procurent des compléments alimentaires (entre autres glucides et lipides) à ingérer lors de ses séances de nettoyage!
Les 2 espèces en tirent partie et donnent une chance de plus aux paresseux de survivre !
(On développera cette partie dans un futur article dédié à cette colocation étonnante !)
Secret n°3 : Invisible et inodore !
Cette relation symbiotique avec les algues et les champignons fournit non seulement un déguisement de camouflage visuel idéal mais aussi un camouflage olfactif!
Elle camoufle l’odeur du mammifère en la faisant davantage ressembler, grâce aux algues, à une odeur végétale.
Ce qui troublerait les félins qui chassent également avec un odorat particulièrement affûté.
Secret n°4 : Un équipement spécial à en faire tourner la tête !
Sans mauvais jeu de mot, ils possèdent des vertèbres supplémentaires (9 chez le paresseux à trois doigts contre 7 chez la plupart des mammifères) afin de gagner en flexibilité et pouvoir tourner la nuque à 270° !
Un atout non négligeable pour surveiller les environs et repérer un potentiel prédateur ?
« Surveiller » est un grand mot, cette particularité vient plutôt compenser sa vue et son ouïe qui ne sont pas très efficaces contrairement à son odorat.
De plus, cette rotation étonnante de la tête va surtout/plutôt servir à repérer les feuilles idéales afin d’économiser, encore une fois, des mouvements du reste du corps et donc de l’énergie dans sa recherche de nourriture.
Secret n°5 : Le paresseux a la capacité de nager !
Privé de muscles extenseurs efficaces, le paresseux n’arrive pas, quand il est au sol, à supporter son propre poids et se trouve alors contraint de ramper, lentement et dangereusement à vue des prédateurs. Encore un handicap!
Heureusement, dans l’eau, grâce aux forces de la gravité réduites, il peut se déplacer trois fois plus vite qu’au sol !
Pour l’anecdote : Son estomac a 4 compartiments surdéveloppés (20 à 30% du poids du corps) et il va l ‘aider à flotter grâce aux (très nombreux) gaz émis par la digestion des feuilles. Encore une stratégie de l’évolution pour ne pas avoir à dépenser de l’énergie pour rester à la surface !
Lorsque l’on vit dans les forêts tropicales humides, où les rivières fractionnent la forêt, et qu’on ne peut pas sauter d’une rive à l’autre comme les singes, il est impératif de savoir nager.
Secret n°6 : Meilleur apnéiste qu’un dauphin !
Comment un mammifère qui vit dans les arbres détrône un mammifère aquatique …?
Certains paresseux seraient en effet capables de retenir leur respiration jusqu’à 40 minutes sous l’eau !
Encore une capacité spéciale permettant d’échapper aux prédateurs aériens, mais qui cette fois les expose aux Anaconda, qui profitent souvent de ces plongées pour en faire leur repas !
Secret n°7 : Des griffes remarquables !
Le paresseux est équipé de longues griffes pointues (~7cm) qui pourraient facilement transpercer la chair.
Mais elles servent essentiellement pour s’accrocher aux branches, étant renforcées par un mécanisme autobloquant une fois posées sur la branche. Ce qui leur assure une prise sans risque, ce qui n’est pas de trop quand on les voit évoluer à 40 mètres de haut…
Bien qu’elles ne servent à priori que de crochet, on a observé des paresseux s’en servir contre des visiteurs trop curieux !
Un outil qui, vu de l’extérieur, dissuade plus qu’il n’attaque en réalité.
Il permet surtout à ce mammifère de vivre une vie arboricole loin des prédateurs terrestres.
Le paresseux arrivera t-il à continuer à survivre ?
Grâce à toutes ces capacités spéciales, le paresseux a réussi à tirer son épingle du jeu face aux grands challenges de l’évolution.
Mais comme beaucoup d’autres espèces, il a dû mal à s’adapter à l’expansion trop rapide de l’homme sur son milieu naturel …
Collisions sur les nouvelles routes et pistes qui fractionnent toujours plus son habitat, augmentation de la densité et fréquentation humaine sur leurs habitats, attaques de chiens domestiques, chasse, braconnage ou extraction de leurs milieux pour les avoir en animal de compagnie, changement climatique…
Enfin c’est la déforestation, la perte de leur habitat qui viendra à bout de ces espèces magnifiques et étonnantes.
Voici les défis auxquels ils doivent aujourd’hui faire face, les aiderons-nous en apprenant, en partageant, en agissant ?
Les paresseux renferment encore de mille et un secrets pour ceux qui prendront le temps de les observer.
Comme tous nos articles, celui-ci ne se veut pas exhaustif, mais n’a pour seule vocation que d’apporter des premiers éléments de réponses, de susciter votre curiosité, pour que l’on apprenne tous à en savoir plus sur la faune qui nous entoure, et nous donner envie de la protéger.
Il existe 6 différentes espèces de Paresseux, chacun avec ces caractéristiques et spécificités :
Choloepus hoffmanni, Choloepus didactylus,
Bradypus variegatus, Bradypus tridactylus, Bradypus torquatus, Bradypus pygmaeus
Ici Bradypus Tridactylus – Guyane Française- Mars 2022
Sources :
Sloth biology: An update on their physiological ecology, behavior and role as vectors of arthropods and arboviruses – Brazilian journal of medical and biological research-2001
How sloths got their sloth – Current Biology 29, R603–R622, July 8, 2019
Seeing the animale whole, and why it matters – Craig Hodrege – 2021
Waage, J. K. and R. C. Best (1985). “Arthropod Associates of Sloths,” in The Evolution and Ecology of Armadillos, Sloths, and Vermilinguas, edited by G. Gene Montgomery. Washington, D.C.: Smithsonian Institution Press, pp. 297-322.
Sunquist, M. E. and G. G. Montgomery (1973). “Activity Patterns and Rates of Movement of Two-toed and Three-toed Sloths (Choloepus hoffmanni and Bradypus infuscatus),” Journal of Mammalogy vol. 54, pp. 946-54.
How long can à sloth hold its breath- Nicky Featherstone – 2022
Reevaluation of the Geographical Distribution of Bradypus tridactylus Linnaeus, 1758 and B. variegatus Schinz, 1825
Arboreal folivores limit their energetic output, all the way to Stothfulness- Jonathan N. Pauli,M. Zachariah Peery,Emily D. Fountain, and William H. Karasov
Sloth, life in a slow lane – Rebecca cliff
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