Le saviez-vous ?
Alors que certains Humains prennent du poids pendant les fêtes de fin d’année, certains Saïmiri eux prennent du poids pendant la saison de reproduction !
On ne parle pas ici des femelles qui portent la future génération mais des mâles adultes (reproducteurs) qui vont prendre jusqu’à 30% de poids supplémentaire !
Pour être exacte il convient de préciser que cette prise de poids ne concernera pas tous les mâles, et se fera pour chacun à différents degré !
Cela s’explique non pas par une alimentation plus importante, mais par des changements hormonaux.
Plus exactement par une augmentation saisonnière de la testostérone et sa conversion en œstrogènes, et par des niveaux élevés d’hormones thyroïdiennes.
Cela se manifestera par un dépôt de graisse et de la rétention d’eau, se concentrant essentiellement sur le torse, les épaules et les bras, leur donnant une apparence plus épaisse.
Pourquoi les mâles prennent-ils du poids à cette période uniquement ?
Avant tout il convient de garder en tête que ce phénomène est encore bien peu compris, et requiert de la prudence et de la modestie dans son interprétation, vous trouverez ci-dessous quelques hypothèses qui tendent à l’expliquer.
Contexte :
Tout au long de l’année, les troupes de Saïmiri sont dominées par les femelles, et les mâles ont globalement peu d’interactions à l’intérieur même du groupe, qui est composé des femelles et des jeunes.
Les mâles sont présents et tolérés mais en périphérie du groupe et jouent notamment le rôle de sentinelle et d’intervention lors de la présence de prédateurs ou de troupes voisines.
Avant la période de reproduction (~ 2 mois seulement sur l’année), certains mâles commencent à s’engraisser et à l’approche de cette dernière les interactions avec le groupe vont se multiplier de façons très notable. Les mâles se rapprochent des femelles et cherchent à obtenir leurs faveurs.
Chez cette espèce, mâles et femelles vont se reproduire avec différents partenaires. On parle alors de polygynandrie.

Des rivalités au sein des troupes :
Dans cette quête, les interactions entre les mâles se multiplient également, rivalisant pour l’accès aux femelles, ils entrent en compétition et les échauffements, les combats et les blessures ne sont pas rares.
La prise de poids aurait ainsi un premier rôle de sélection intrasexuelle (entre les mâles).
C’est à dire qu’elle offrirait probablement un avantage lors des interactions et des rivalités avec les autres mâles et leur permettraient ainsi un meilleur accès aux femelles.
Les tensions et les joutes n’ont pas lieu qu’entres les mâles.
Les femelles entre régulièrement en conflit voir en confrontation avec les mâles lorsqu’elles ne souhaitent pas être approchées.
Les jeunes (particulièrement le plus jeune petit de la mère) qui sont encore allaités sont aussi observés entrain de repousser les mâles qui tentent d’approcher leurs mères !
Plus on est imposant, meilleurs sont nos chances de se reproduire :
Pour ces deux cas encore, la prise de poids des mâles pourrait leur permettre de réduire leurs risques de se faire repousser violemment voir blesser, en ayant des meilleurs résultats dans les phases d’intimidations avant les éventuels combats.
Plus d’études sont encore nécessaires avant d’affirmer que plus les mâles sont « gros » plus ils sont choisis par les femelles, et mieux ils se reproduisent.
De la même manière, les relations de domination entre les mâles chez cette espèces sont encore bien mal comprises et on ne peut encore conclure qu’il y a une corrélation directe entre la prise de poids et la hiérarchie entre les différents mâles reproducteurs pour toutes les espèces de Saïmiri.
Pour les Saïmiri boliviensis du Peru, la prise de poids aiderait effectivement dans la compétition entre les mâles pour accéder aux femelles, en augmentant la réussite pendant les phases d’intimidation et en gagnant plus de temps auprès des femelles.
Chez les Saïmiri oerstedii, au Costa Rica, il a été noté que les femelles semblent d’avantage se tourner vers les mâles les plus engraissés et les mâles semblent donc bénéficier d’un plus haut taux de reproduction et d’une potentielle domination sur les autres mâles.
Des études chez les Saïmiri collinsi tendent à montrer que les mâles engraissés montrent un avantage dans la production et la survie de leurs spermatozoïdes et une meilleure probabilité de fécondation lors de la compétition entre les spermatozoïdes des différents mâles.
Alors que pour les Saïmiri sciureus, on ne note que les mâles sont plus souvent approchés par les femelles une fois qu’ils se sont engraissés.
Pour résumer, l’engraissement des mâles pourrait les aider à diminuer les coûts socio-écologiques (tensions, combats, blessures) lors des périodes de reproduction et augmenter leurs chances d’accès aux femelles et de reproduction, mais d’avantages d »études doivent être menées afin de confirmer, d’explorer encore les différentes hypothèses et d’analyser les différences entre les Saimiri collinsi, sciureus, boliviensis, oerstedii
Des avantages mais aussi de potentiels inconvénients :
Bien que l’engraissement permettrait une diminution des coûts socio-écologique, il pourrait en revanche augmenter les coûts physiologiques.
Pendant la période de reproduction, l’accès et la poursuite des femelles s’avèrent particulièrement énergivore et chronophage, ces dernières parcourant de longues distances en peu de temps.
De plus les phases d’approche, d’intimidation, de tentatives de reproduction, les combats avec les autres mâles et avec les jeunes, représentent encore énormément de temps et un sacrifice sur la recherche de nourriture et le nourrissage.
De plus, la domination des femelles sur les mâles leur permettent de refuser la reproduction même quand un mâle arrive à repousser les autres mâles et s’approcher de la femelle, le forçant a répéter le scénario avec d’autres femelles.
Là encore, plus de recherches sont nécessaires pour mieux appréhender la balance bénéfices/coûts de l’engraissement, et ainsi continuer à apporter des éléments sur la compréhension de ce phénomène, et tenter de répondre aux questions : Pourquoi certains mâles s’engraissent-ils ? Pourquoi pas tous ? Quels sont les avantages et les inconvénients ? Et sont ils commun à toutes les espèces de Saïmiri ?
Saimiri sciureus – Guyane française – Decembre 2022
Pour en savoir plus / Sources :
- Is Fatter Sexier? Reproductive Strategies of Male Squirrel Monkeys (Saimiri sciureus) Anita I.Stone. International Journal of Primatology. Volume 35. Febrary 2014
- ZOO ECOLOGY OF A PRIMATE SPECIES: SQUIRREL MONKEY (SAIMIRI SP.) Heather Susanne Zimbler-DeLorenzo
- Sampaio, W. V., Leão, D. L., CunhaSousa, P. d., de Queiroz, H. L., & Domingues, S. F. S. (2021).Male fattening is related to increased seminal quality of squirrel monkeys (Saimiri collinsi): Implications for sperm competition. American Journal of Primatology, e23353.https://doi.org/10.1002/ajp.23353
- Wlaisa Vasconcelos Sampaio, Danuza Leite Leão, Patrícia da Cunha Sousa, Sheyla Farhayldes Souza Domingues, Seasonal variations in gonadosomatic index and seminal quality of squirrel monkeys (Saimiri collinsi), Journal of Medical Primatology, 10.1111/jmp.12629
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